“Event 1er avril : Filet-o-fish [ouvert à tous, même non-validés]”

Tu étais une sirène. Magnifique, qui plus est. La plus belle de tout l'océan, avec ta queue aux écailles irisées. Sans parler de tes cheveux impeccables qui flottaient au dessus de toi comme une auréole, ni de ton torse imberbe de puceau qui en ferait rêver plus d'un. Pire encore : tu pouvais désormais respirer sous l'eau et tu n'avais plus besoin d'aller aux toilettes pour faire caca car tu étais bien trop fabuleux pour ça. Mais tu ne pouvais plus supporter de voir des bancs de thons passer devant tes yeux. C'était trop douloureux à voir, la haine devenait physique. Alors sans plus attendre, tu suivis le reste de ces gens pour aller te plaindre auprès du shérif.

« Hey, espèce de sale morue !  » hurlas-tu sur la première personne qui te coupa la route. « Tu pourrais au moins regarder où tu nages. »

Non mais c'est qu'elle poussait le bouchon un peu trop loin, l'autre morue. Parce que non seulement elle était restée muette comme une carpe, mais en plus de ça elle avait fait ses yeux de merlan frit à son amie pour qu'elle lui vienne en aide. C'était bien une preuve de l'infériorité de son espèce face aux sirins et sirènes du monde entier. Et l'autre qui t'engueulait comme un poisson pourri, sans plus pouvoir s'arrêter. Durant une seconde, tu levas les yeux au ciel. Et puis tu fis ce que toutes les sirènes font. De ta voix enchanteresse, tu te mis à chanter. Sans oublier bien sûr de trémousser ta queue en rythme, ni de mettre tes lunettes de plongée-soleil.



Mais quel swag tu avais. Tous les regards étaient braqués sur toi. Au moins, tu avais réussi à noyer le poisson et tout le monde avait oublié les arguments certes pertinents que Rorilette venait de balancer contre ton espèce.

« A-HA-AH-A-A-A, JEALOUSYYY !
La voici, ma chanson. Tu me craches tes bulles au visage, mais saches que la bave du crapaud n'atteint pas le blanc thon. ». Mais alors que tu t’apprêtais à lui balancer ta répartie cinglante, un bruit te fit sursauter. Oh merde. Ta "ballade musicale" avait attiré quelques requins à l'extérieur de l'édifice. Ou bien étaient-ils là avant ? Que voulaient-ils ?

« Par contre, eux aussi ils sont là pour les effets du spectacle ?  »

Quand Ona ouvre les yeux son pire cauchemar s'est réalisé. De l'eau. De l'eau partout. De l'eau autour de son corps. De l'eau autour de sa tête. De l'eau dans sa bouche, dans son nez, dans ses poumons. Elle hurle, se débat, s'épuise en vain à fuir dans un sens puis dans l'autre à rentrer en collision avec les meubles, les murs, les bâtiments, les gens. Sa respiration est laborieuse, trop rapide, sa poitrine lui semble du ciment, elle étouffe, non, elle se noie, elle meurt. Elle ne sait plus où elle est quand le noir l'engloutie (prostrée comme un poisson crevé au fond d'une ruelle) et elle pense qu'elle est morte, alors qu'elle est juste tombée dans l'inconscience.

Elle n'a même pas réalisé qu'elle était devenue une sirène.