histoire
...
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Leon est de ses enfants un peu rond, un peu bougon, un peu trop tout, un peu trop facile.
Il rit avec nervosité aux blagues pas drôles de ses petits camarades, à leur moquerie.
Il se fond dans la masse.
Puis la masse l'avale.
Lorsqu'on retrouve Leon le voilà bien grand déjà, fondu les kilos superflus, son corps efflanqué sous la soudaine poussée est rêveur de temps meilleurs (où tous les petits points sur son visage disparaitrons). Toute la technologie tout ça, il n'y prête guère attention, il n'est pas de ceux dans le besoin, lui possède déjà le confort du tout confort.
Chanceux parmi les chanceux, et pourtant pourquoi ce sentiment d'injustice raisonne en lui ?
Au lycée il les entend tous parler de, monde meilleur, de progrès, de demain de lorsqu'ils seront tous plus grands.
Maman et Papa lui ont bien appris à être poli.
À rapporter les bonnes notes.
À lisser ses chemises, être un garçon qui sait s'occuper de ses propres chiffons.
Faire la cuisine, la vraie,
Faire le ménage.
Oubliant d'apprendre à aimer la vie. (plus large, plus loin, avec des étoiles et des histoires à dormir debout, avec toutes les quêtes et rebondissement).
Leon est quasiment fin prêt, pour être le parfait petit drone de la société.
Qui ne pose pas de question, et sur sa fiche de souhait, il annote le même vœux que la majorité des futurs étudiants.
Puis, enfin, voilà l'été.
ÉTÉ(Comme hier, comme demain, l'adolescent, puis l'adulte s'en souviendront)
26°, sa veste sur une épaule, la chemise auréolée, bouteille d'eau décapsulé en main.
Pour la première fois, dans le jardin de ses voisins taciturnes (jamais vu, jamais entendu, jamais venu aux soirées de quartier de son vivant), une vieille femme, à genoux, s'acharne contre son bout de jardin.
En friche.
Au même moment que sa curiosité le pousse à observer, elle se redresse, passe sa main gantée contre son front, le visage ridé rayonnant sous l'écrasant soleil, qui dévoile ses pleurs.
Ses yeux clairs dans les sombres voyeurs, semblent à ce moment bien plus tumultueux que les siens.
De cet échange muet elle éclate de rire.
Un rire cassé.
Charmant, d'une maturité qui héberge encore les germes de la jeunesse, toujours au fond d'elle, en fleur.
Et quelle Fleur...
MAI 2031Leon ne sait toujours pas faire pousser de fleurs, de plantes, d'arômes et de fruits.
Tout ce qui devrait vivre, ne fait que mourir entre ses doigts. Les pots vides, toujours ternes, finissent rangés dans un coin, puis oubliés, depuis bien avant Mai 2031.
(il a pris la mauvaise habitude de la cigarette avant).
(il ne sait plus quand, un soir, comme ça, en sortie de bar, une proposition anodine et puis voilà.) (Oui tout commence comme ça, comme une proposition anodine)
Tout a commencé lorsque ses lèvres se sont muent, lorsque l'inconnu lui a tendu le paquet, lorsque l'homme lui tendit la pilule.
(et même bien avant, par ce manque de n'avoir rien dans le cœur, rien à poursuivre.) (pour à la fin comprendre qu'il n'y a pas besoin.)
Sans pouvoir l'accepter.
Jusqu'à réalisation du don.
C'était comme un cadeau tombé du ciel, et enfin il put...
...
mettre sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
D'amour méticuleux.