Messages : 234 Date d'inscription : 21/02/2017 Localisation : Chapel Street Arsen B. Eastwood
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Arsen B. Eastwood
Sam 4 Mar - 21:25Arsen B. Eastwood
Mois 2032
Ma paupière fixe et ma bouche esquisse déjà des paysages désertiques et stériles, désolation au bout de mes doigts quand je m’apprête à écrire mille mots pour dire qu’une vie venait de s’éteindre. Et la mort… La mort ne laisse rien d’autre que dévastation et gâchis.
« Regrette, regrette et hier deviendra le supplice de ton demain. » Je soupire et je capte un ricanement à ma droite qui me fait plisser plus fort les yeux. J’ignore. Je passe. Puisque eux ne semblent pas vouloir le faire. C’est comme s’ils enviaient ma place, alors je ne suis qu’un rédacteur de mort. Sale corbeau croassant sur le clavier des nouvelles à glacer les os et le sang. Il disent que je ne mérite rien et je voudrais leur dire et leur confier Marcus, Cecilia, Malone, Terrence et Ashton. Des enfants morts dans d’autres villes ou la notre. Tous drogués. Et puis il y a les autres. Ceux qui sont trop vieux ou trop faibles. Sont ? Étaient.
« Hiver d’une vie que le printemps ne pourra plus jamais faire fleurir. » Là encore j’entends. Un ricanement. Je lève les yeux et depuis mon bureau minuscule, alcôve, je vois des collègues qui parfois jettent des regards ici. Ils rient parfois parce que ma bouche laisse s’évader des vers, des sonnets, parfois même plus, sans que je m’en rende compte. Je marmonne et ils rient. Parfois ils me prennent de haut et m’appellent avec tout le faible sarcasme que leur misérable langue est capable de cracher « le poète raté », mais ce n’est pas là du sarcasme. Tout juste des balbutiement de nouveaux nés à peine capable d’esquisser un mot correct. Ils me détestent. Je les méprises tous autant qu’ils sont.
Et je m’apprête à me lever pour m’en aller quand j’entends des bribes d’éclats. De quoi faire sonner des cors de chasse, ou des tambours guerriers. « Occupe-toi de cette nana tu serais gentil. » Qu’on me sort,gauchement, maladroitement, j’ai envie de hurler et de leur demander d’être moins laid, mais je ne peux rien dire puisqu’il disparaît sans me laisser le temps de répliquer quoi que ce soit.
Et puis elle crève ma vue. Blonde et rouge, de colère, d’indignation ? Avatar furieux. Elle se rue vers moi. Dans ce minuscule bureau qui ne peut qu’accueillir deux chaises et une table pour deux. Je souffle :
« Et quand ils entendirent la rumeur Ils sont partis et ont tout laissé Moins qu’un cadavre de terreur Je suis et j’attends un cœur esquissé
Pour qu’il cogne, batte, rate et encore batte Saigne, signe, elle, si dévastatrice Rumeur et meurt pleure, écarlate Je l’appellerai blasphématrice »
Mais j’ignorai là encore, que j’étais déjà mort. Et plus tard, j’écorcherai des berceuses comme on souffre des requiem puissants.